C'est en rédigeant des comptes rendus héroïques
qu'il forge sa plume d'écrivain pédaleur…

Guy, le président Amat, m'a dit,
- Quand tu feras le compte-rendu, tu l'appelleras
mon 200…

Le président est facétieux, espiègle à ses heures,nous
le savons bien…
5h45. Jo et moi nous retrouvons en haut de Péchabou.
Pourquoi faire simple? Nous irons prendre ce départ en vélo,
21 km à l'aller, 21 au retour.
Quand on fait 200, on peut en rajouter.
Route de nuit prudente. La descente de Rebigue,
descente du bois des gouttes, très vigilante.
Un trou dans le bitume pourrait se cacher dans le noir…
Muret. Café La Petite Muretaine.
Emmanuel est parti comme un avion, François est déjà arrivé,
nous retrouvons Yvon.
Guy et Marcel sont là. Jean-Paul aussi.
Et puis, tous les long-courriers habituels sont là pour cette mise en jambe.
En particulier Jean-Michel, surnommé Le Picard, au palmarès très cosmopolite,
des diagonales, des Paris-Brest-Paris, des courses anglaises, et bien d'autres.
Alors qu'il débutait en 1995, il m'a guidé sur un 300, sûr de lui,
des parcours, en tête à tous les contrôles. Et ce n'est pas le genre, pourtant.
Premier pointage Saint-Lys.
Les hommes forts ont sans doute pris position, qui vont ferrailler
à 31 ou 32 de moyenne pendant 200 kilomètres.
Nous, la flânerie commence.
À Cazères, je retrouve un vieux réflexe. Dans la roue du Picard pour traverser
sans réfléchir.
Un peu après, nous prenons la voie verte qui longe la Garonne.
Arrivée à Mazères. Je demande des nouvelles de François.
Il est très loin devant, entre Comminges et Couserans.
D'ailleurs nous sommes sur le territoire de la candidate Carole Delga,
qui bat déjà la campagne, les marchés, le tractage, hier soir la Halle
aux Marchands de Rieumes.
Cela me laisse songeur.
Nous longeons le Salat.
Bientôt Saint-Lizier et Saint-Girons.
Saint-Girons abandonné. Une ville pauvre. Des boutiques à l'ancienne,
l'allure d'un faubourg. Ni ville, ni village,
des enseignes oubliées. 'Aux articles de Paris'. 'Pour vos cadeaux'.
Filons!
Une voie verte. Nous la prenons, allongeons sans doute. Tant pis.
Castelnau-Durban. Arrêt rapide. Marcel fait une pause.
Jolie route qui longe l'Arize. Le vert, l'eau, le ciel du jour, effacent
la médiocrité de Saint-Girons. Ici, tout est pimpant, avenant. Bref, du beau vélo.
Entrée de la grotte du Mas d'Azil. Erreur habituelle. Je garde mes lunettes.
Et suis aveuglé.
Option inutile ensuite.
Au lieu d'aller vers Pailhès, nous choisissons Carla-Bayle et sa redoutable côte,
histoire de montrer la maison de Laurent Fabius à Guy.
Mais celui qui fut le plus jeune Premier Ministre de la République a disparu.
Déception de Guy. Pas de déception sur le dénivelé.
Nous retrouvons la troupe dans la montée de Saint-Ybars.
Arrêt à Gaillac-Toulza.
Village de douleur. Des enfants désœuvrés errent dans la rue principale.
Tout est fermé. À croire qu'une invasion se prépare.
On nous indique le boulodrome pour pointer.
Quatre ou cinq personnes s'escriment dans le sable à lancer des boules
qui font autant de poussière que les pick-up d'AQMI filant à pleine vitesse sur Bamako.
Moins de dégâts, bien sûr, que de l'anonymat, de la tristesse qui poisse.
D'ailleurs, je prends un coup de pas bien. Le ciel s'est voilé.
Des nuages hauts commencent à l'encombrer.
Une poussée atlantique peut-être, le reste d'une dépression oubliée, lâchée
par le peloton des nuages des derniers jours.
Retour dans la circulation vers Lagardelle et Eaunes.
Les hypers, les surfaces de jardinage ou de bricolage ont fait le plein.
Les lotissements ont poussé dans cette fausse banlieue.
Muret prend des allures des villes industrieuses du Pays Basque espagnol.
Muret.
Guy s'éclipse vite.
Il nous reste 21 km.
La montée vers Labarthe sur Lèze dans les voitures est toujours un moment à effacer.
Et puis, nous retrouvons la montée de Rebigue. Le calme du soir. Jo allume ses lumières.
Et c'est fini.
246 km.

Joël